Comment soigner la crise du financement des pharmacies ?
Les pharmaciens qui cherchent à s'installer et les officines déjà établies ne trouvent plus les fonds nécessaires à leur développement. Imaginons des nouvelles formes de financement pour faire face aux limitations bancaires.
Les fermetures de pharmacies se multiplient, pour cause de faillite ou d'impossibilité de trouver un repreneur. Plus de 300 d'entre elles ont baissé le rideau en 2015 - sur un total de 22.000 - et cette tendance devrait se poursuivre. Les chiffres le démontrent : l'équilibre du secteur est bouleversé par la succession des plans d'économies et la diminution des remboursements. Le pharmacien est aujourd'hui confronté à des évolutions majeures du réseau de distribution du médicament. Pour l'officine, l'effet est immédiat et si des changements sont perceptibles, le modèle doit plus se réinventer plus rapidement.
Le nombre de mutations reste légèrement en croissance à 1.400 mutations (875 fonds ou apport en société et le reste en cession de parts), le marché n'est animé que par les primo-installations . Or la démographie pharmaceutique en 2015 révèle deux tendances : un équilibre entre nouveaux diplômés (800) et départ à la retraite des anciens et également le développement de l'exercice groupé. Il est absolument nécessaire que de jeunes pharmaciens puissent s'installer pour garder la cohérence du réseau de proximité.
De nouveaux besoins à financer
Sur fond de crise structurelle (économie du médicament, départs à la retraite de titulaires), le futur du métier impose un renforcement des capacités d'investissement du réseau pour se transformer. Au delà du débat classique sur les prix d'acquisition des entreprises, il convient de réfléchir à des montages financiers pertinents et innovants. Ainsi, le secteur, en souffrance depuis des années par manque de moyens, a su s'organiser par la création de groupements de pharmacies qui ont développé l'expertise métier et qui ont permis la consolidation du réseau pharmaceutique de premiers recours.
Mais le secteur se trouve aujourd'hui face à l'obligation d'investir pour apporter les transformations nécessaires aux nouvelles attentes des patients - et aux nouvelles missions de santé publique : aménagement des établissements (robots, comptoirs, espaces de ventes organisés, présentoirs etc.), prestations de services / conseil, suivi du dossier pharmaceutique...
Et la nécessaire diversification des activités officinales va s'opérer via la consolidation du réseau officinal autour de deux grands profils d'officines : la pharmacie de type « drugstore ", distribuant le médicament, et la pharmacie « spécialisée de proximité ", centrée sur le suivi rémunéré des patients chroniques, réunis dans un groupement multidisciplinaire ou dans un centre de santé.
Ainsi, les difficultés de financement qui frappent le secteur compromettent non seulement l'installation des pharmaciens mais encore la possibilité pour les pharmaciens installés de procéder aux investissements nécessaires sur leur outil de travail. Ces difficultés constituent ainsi une menace pour la sauvegarde du maillage officinal et sa nécessaire transformation. Cette question dépasse donc largement le cadre professionnel pour impacter au final la santé de nos concitoyens.
De nouvelles formes de financement et d'accompagnement
Le contexte n'encourage pas les professionnels à s'endetter sur le long terme pour acquérir ou rénover une pharmacie. En cause : les établissements bancaires, contraints de respecter des quotas qui limitent leur capacité de prêt ; la réduction des marges sous l'effet conjoint de la chute du prix du médicament et de la concurrence des parapharmacies. Face aux limitations bancaires, il faut imaginer de nouvelles formes de financement du pharmacien dans le cadre de la réglementation.
Le développement des Sociétés d'exercice libéral (SEL) a constitué une première réponse pour l'accompagnement à l'installation. Pouvant être maintenant détenues par des Sociétés de participation financière de professions libérales (SPFPL), elles permettent d'ouvrir le capital de l'entreprise à des pharmaciens investisseurs diplômés. Outre une optimisation fiscale des résultats de l'officine et l'amélioration de la capacité de remboursement de la société, le système permet d'envisager le début d'une mutualisation des savoir-faire. Cette approche de SEL est retenue par plus de 90% des acquéreurs en 2015.
D'autres initiatives voient le jour comme le rachat temporaire d'actif, permettant de réduire l'apport de fonds propres ou encore de réaliser un apport complémentaire de trésorerie. La participation d'investisseurs sous la forme d'obligations convertibles est une voie prometteuse. Mais les fonds d'investissement spécialisés n'apportent pas (toujours) l'expertise sectorielle nécessaire à la bonne compréhension du besoin. L'analyse de dossiers de pharmacies en difficulté montre en effet souvent un défaut d'accompagnement du titulaire au moment du processus d'acquisition de son entreprise.
Mais, au-delà de la négociation entre acquéreur et vendeur, il est indispensable que le montage financier soit construit pour accompagner l'ensemble des étapes du développement de l'entreprise, en imaginant l'ensemble des solutions adaptées, de la garantie de passif à des financements plus complexes. Un tel système devrait fonctionner avec une gouvernance spécifique, incluant les professionnels.
Pour mener à bien ce projet d'envergure nationale, notre profession a aujourd'hui besoin d'un système alternatif de financement participatif, alliant le conseil en ingénierie financière à la capacité d'investissement.
Christian-Éric Mauffré est président du groupement CEIDO et trésorier de Federgy, chambre syndicale des groupements et enseigne d'officines
Source : Les EchosRetour